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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 29 août 2010




Bernard Buffet, 1928-1999. France
































"Le vent tourne". C'est avec satisfaction que le galeriste Maurice Garnier évoque le retour en grâce de son ami le peintre Bernard Buffet, porté aux nues au lendemain de la Seconde guerre mondiale avant de sombrer dans l'oubli à la fin des années cinquante.

Né le 10 juillet 1928 à Paris, dans le quartier des Batignolles, fils de Charles Buffet et de Blanche Colombe. Il est élève au Lycée Carnot de 1939 à 1943.

En 1943, il étudie le dessin au cours du soir de M. Darfeuille, place des Vosge, puis entre en décembre à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris où il ne restera que deux ans. Pour ensuite, travailler seul.

En 1945, il obtient le prix des travaux d'atelier. En 1946, il expose son premier tableau, un autoportrait, au Salon des Moins de Trente Ans à la Galerie des Beaux Arts.

En 1947, il expose " l' Homme accoudé " au salon des indépendants et en décembre a lieu sa première exposition présentée par Pierre Descargues, à la Librairie des Impression d'Art organisée par Guy Weelen et Michel Brient. Raymond Cogniat lui achète pour le Musée National d'Art Moderne de Paris une peinture : "Nature morte au poulet".

En avril 1948, il présente un tableau, Le buveur au prix de la jeune peinture organisé à la Galerie Drouant-David, 52, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris. Il n'obtient pas le Prix, mais le Docteur Girardin, un grand collectionneur d'art contemporain, défend sa peinture avec passion et attire l'attention d'Emmanuel David sur ce jeune peintre. Quelques jours plus tard, Emmanuel David se rend dans l'appartement du 29 de la rue des Batignolles et propose à Bernard Buffet d'entrer dans sa Galerie avec un contrat d'exclusivité. Ce contrat a par la suite été partagé avec Maurice Garnier.

Dès ses débuts, son œuvre très figurative, attire immédiatement l'attention des critiques. Il est vite considéré comme le meilleur peintre français figuratif de l'après-guerre. En 1948, il remporte, avec Bernard Lorjou, le prix de la Critique. Son engagement envers l'art réaliste aux dépens de l'art abstrait se concrétise par son entrée dans le groupe Homme-témoin en 1949.

La rencontre en 1948 de Buffet avec Pierre Descargues, l’un des critiques les plus respectés et les plus influents de l’époque, est déterminante pour l’avenir du jeune peintre.

Voici ce que Descargue écrivit sur Bernard Buffet dans le livre qu’il lui a consacré: " Il témoigne puissamment du désarroi de notre époque. L'inaction de ses personnages, leur vie absurde, Bernard BUFFET les exprime comme un mal dont on est soi-même victime, avec violence en se donnant soi-même tout entier à cette œuvre de vengeance, c'est à dire en y mêlant intimement l'amour et la haine. "

En 1949 Bernard Buffet épouse Agnès Nanquette, une camarade des Beaux Arts, dont il divorcera l'année suivante.

En 1950, il rencontre Pierre Bergé (qui plus tard deviendra le compagnon d’Yves Saint-Laurent). Leur amour durera huit ans durant lesquels Pierre Bergé gèrera sa carrière.

" Un soir d’avril 1950, Buffet se trouve à la galerie Visconti Richard Anacréon passe une tête, accompagné de son jeune assistant (Pierre Bergé). Maurice Garnier remarquent immédiatement leur attirance réciproque."(Biographie de Bernard Buffet par Jean Claude Lamy)

Pierre Bergé dans “Les jours s’en vont je demeure” Gallimard Folio n° 4087) narre ainsi leur rencontre: " Il avait vingt ans, j’en avais dix huit et, comme tous les coups de foudre, le nôtre frappa à la vitesse de l’éclair... Nous nous retrouvâmes le dimanche suivant... Le soir nous avons cherché un hôtel et finîmes dans un endroit douteux, rue des canettes, où une femme digne et silencieuse nous conduisit à une chambre non sans nous avoir donné une serviette ravaudée. C’était Céleste Albaret, l’ancienne gouvernante de Proust..."

" A Manosque comme à Reillanne, les séjours de Bernard et de son compagnon n’ont laissé aucune trace visible. Pas de rue portant le nom du peintre ni de plaque commémorative. Après la disparition des derniers survivants qui fréquentèrent les deux jeunes gens que l’on croyait lié à la vie et à la mort, il ne reste qu’un sentiment de vide comme celui qui suit un amour brisé. Le triptyque “Horreur de la guerre”, ce chef d’oeuvre que Bernard à peint à Nanse en 1954, méritait un lieu d’exposition dans la région. Car c’est en Haute Provence que son art essentiellement concret, domina toute la peinture de sa génération." (Biographie de Bernard Buffet par Jean claude Lamy)

Bernard Buffet peignait énormément (il a peint près de 8000 toiles). Des natures mortes, des nus, des autoportraits mélancoliques, des vues de villes et des paysages. En même temps, il était illustrateur et créateur. Il illustrait ‘ La Voix Humaine’ de Jean Cocteau, ‘L’Inferno’ de Dante et quelques poèmes de Baudelaire.

Il a été le dessinateur du décor pour l’opéra de Carmen. En 1953, Louis Aragon publie, à l'occasion de ces expositions, dans les Lettres Françaises, un article ayant pour titre "Le Paysage a quatre siècle et Bernard Buffet vingt-quatre ans."

En 1955, il obtient la première place au référendum organisé par la revue " Connaissance des Arts " désignant les dix meilleurs peintres de l'après-guerre.

Outre son œuvre de peintre, Bernard Buffet, en qualité de graveur, a illustré de nombreux ouvrages : Lautréamont, Giono, Cocteau, Baudelaire, Sagan… Il réalise également des décors pour le théâtre et la chorégraphie (ballets de Serge Lifar, "La chambre" de Roland Petit sur un argument de Simenon en 1956, "Rendez-vous manqué" ballet-spectacle mis en scène par Vadim sur un argument de Françoise Sagan en 1957).

"La signature de Bernard Buffet ressemble à un fagot d’épines. Quand il peint un bouquet c’est un bouquet de chardons: un animal c’est le homard ou le grondin, une bête tout en pinces, en arrêtes et en griffes; en piquants et en barbelé. Ses personnages n’ont que des os; ses poires aussi, il a inventé la poire en bois, longue, noire et mince comme un fil, pour les jours de deuil et de famine. Tout ce qu’il peint naît en carême... Ces toiles pourtant ne sont pas sans âme. Elles ont même une âme véhémente; pauvre, agressive, hargneuse et douloureuse; une âme maigre, longue acide, d’orphelin qui revient du cimetière dans une chambre où il n’y a pas de feu; une âme menaçante et menacée qui se venge de l’homme, qui gâche la joie, qui fait avorter les récoltes, qui jette un sort sur les navets... Avec ça des dons éclatants: la composition est solide, le dessin sûr, la couleur rare; une manière qui étonne par sa délicatesse. Il est ferme, brutal, subtil. Il a créé un monde à lui. Il impose sa règle du jeu; c’est la marque des grands." (Alexandre Vialatte)

En mai 1958, le peintre Xavier Zevaco lui présente Annabel Schwob à Saint-Tropez, alors qu'il était déjà installé dans le succès. C'est le coup de foudre. Elle avait alors de nombreux amants. Bernard venait de quitter Pierre Bergé. Le 12 décembre 1958, Buffet épouse Annabel Schwob à Ramatuelle. Buffet devait la portraiturer inlassablement. En 1961, l'une de ses expositions s'intitula Trente fois Annabel.

Puis soudainement, celui qui fut le peintre figuratif du siècle, tant adulé, tombe en désuètude. Rejeté par les pouvoirs publics et la critique, il tombe dans l’oubli.

Le jeune peintre, "vendait trop, il gagnait de l'argent et a vécu de façon ostentatoire. Cela l'a déconsidéré auprès des pouvoirs publics", estime M. Garnier qui rappelle "l'animosité d'André Malraux", arrivé au ministère de la Culture en 1959.

Maurice Garnier explique ainsi le retournement de la critique envers son poulain: "Oui, absolument ! Il y a eu plusieurs raisons, en 1958, qui ont fait basculer Bernard Buffet dans l'incompréhension vis-à-vis des pouvoirs officiels, mais pas du grand public. Justement, c'est son succès auprès du plus grand nombre qui a déplu. André Malraux, en créant le Ministère des Affaires Culturelles, à voulu soutenir l'art abstrait, ce qui était tout à fait légitime. Mais pour cela, il fallait évincer, éliminer Bernard Buffet car l'artiste était "encombrant". Il marquait trop fortement la continuité de la peinture classique, figurative. Bernard Buffet a été trop tôt considéré comme un "phénomène". Il n'avait que trente ans !".

"Malraux voulait favoriser l'art abstrait. Or Buffet peignait du figuratif ce qui en faisait un gêneur. Mais il le détestait aussi pour des raisons personnelles inconnues", poursuit-il.

" Avec la célébrité, des gens de toute sorte entrèrent dans sa vie. Beaucoup de parasite. Il n’était pas dupe, me le disait, s’en amusait. En fait, un peu avant l’âge de trente ans il avait abdiqué. J’ai toujours su qu’il avait mesurer l’impasse dans laquelle il s’était fourvoyé, dont il ne pouvait plus sortir. Il a essayé de peindre différemment, d’aborder la couleur, de changer sa technique. C’était en juillet 1957. Il fit ainsi une dizaine de toiles, me les montra, les détruisit. Nous n’en reparlâmes jamais. Il reprit ses pinceaux et continua à cerner de noir des bouquets de chardons, des poissons plats, des têtes de clown. Il était devenu amer, se consolait avec l’alcool, le sexe. Il peignait toujours, avec une espèce de rage, comme pour se venger de cette célébrité qui l’encombrait et qu’il savait, d’une certaine manière, usurpée. Il aurait voulu tout recommencer, revenir à la peinture telle qu’il l’avait aimée dans son enfance lorsqu’il traversait Paris pour suivre, place des Vosges, les cours de M Darbefeuille. C’était trop tard. J’avais été complice, probablement coupable. J’avais tant cru en son génie. Tout cela tourna mal. Une guerre de marchands s’engagea. Le plus malin l’emporta. La vérité est qu’il n’eut jamais de marchand à l’égal d’un Kahnweiler, Rosenberg, Pierre Loeb, Vollard. Capable de le comprendre - surtout de comprendre la peinture - de lui parler, de le mettre en garde, de le guider. Il partait à la dérive devant des témoins béats d’admiration, incapable de voir qu’il allait se fracasser, se perdre. Ils se contentait de le rassurer, de subvenir à ses besoins, de jouer le rôle de banquier, de secrétaire, d’intendant. Il ne savait rien, on lui cachait tout. Il n’avait plus aucun rapport avec la vie ni avec l’art de son temps. Il ne lui restait que des japonais qui l’admirait on ne sait trop pourquoi. Il était trop intelligent pour s’en satisfaire, il n’était pas dupe..."(Pierre Bergé)

Atteint de la maladie de Parkinson, n'arrivant plus à peindre Bernard Buffet s'est donné la mort le 4 octobre 1999 à Tourtour (Var). Pour Annabel, sa femme, ce n'était pas "un suicide, mais une auto-euthanasie".

Sources :
Wikipédia
Musée Bernard Buffet
Bernard Buffet « Le samouraï » de Jean Claude Lamy. Editions Albin Michel
Pierre Berger “Les jours s’en vont je demeure” Gallimard Folio n° 4087
Bernard Alapetite. Site Images volées des temps enfuis.
Boomercafé.com






Autoportrait - 1946







Nativité - 1949







Le Buveur - 1948







autoportrait - 1949







Autoportrait dans la salle de bain - 1988







L'enfer de Dante: Damnes pris dans les glaces - 1976







Le travesti - 1953







Le sommeil d'après Courbet - 1955







Le peintre - 1948







La Passion du Christ , crucifixion - 1951








La barricade - 1949







Intérieurs, Le couple - 1953







Intérieurs , Homme assis - 1953







Illustration de LA PASSION DU CHRIST - 1954







Horreur de la guerre, Les fusillés - 1954







Homme nu dans la chambre - 1948








Deux hommes nus - 1947








Déposition de Croix - 1948














Homme au cabinet - 1947





Pour en voir plus, visitez LE MUSEE VIRTUEL de BERNARD BUFFET



1 commentaire:

  1. Looking at his work creates a saddness in me about life and its meaning.
    Definitely a glass half empty type of guy.

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