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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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samedi 20 septembre 2014




Chaïm Soutine, 1893-1943. Biélorussie








Chaïm Soutine en 1925

















Portrait de Chaïm Soutine par Amédéo Modigliani




Soutine est un personnage introverti, sombre et secret; il a laissé peu de lettres et n'a pas tenu de journal comme le faisait ses contemporains artistes. On posséde également peu de photos. Soutine est un peintre mystérieux et secret. 

Chaïm Soutine, né le 13 janvier 1893, dans le village de Smilovitchi, près de Minsk, dans l'actuelle Biélorussie, dans une famille juive orthodoxe d’origine lituanienne, imprégnée des principes religieux du Talmud. Son père travaille pour un tailleur et la famille est pauvre comme beaucoup de juifs sous l'empire russe. Dixième d'une fratrie de onze, Chaim est un enfant timide, réservé, rêveur et l'école ne l'intéresse pas beaucoup. Il préfère dessiner les personnes qui l'entourent. 

Mais la religion juive interdit la représentation de la figure humaine. A tel point, qu'un jour, il est violemment battu par le fils d'un homme dont il avait dessiné le portrait. sa mère porte plainte, et ils reçoivent une vingtaine de roubles de dédommagement qui permirent à l'artiste de quitter son village et de se rendre à Minsk en 1902 pour commencer une carrière d'apprenti tailleur chez son beau-frère. 







le garçon d'étage, entre 1922 et 1928. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris









Garçon d'honneur, 1924-1925. Huile sur toile, Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris




A Minsk, son ami Michel Kikoine, qui partage la même passion, l'incite à prendre des cours de dessin. En 1909, il part à Vilna avec lui, où tous deux trouvent un emploi de retoucheurs chez un photographe. En 1910 les deux amis réussissent le concours d'entrée à l'école des Beaux-Arts. Vient alors s'intégrer au duo, un troisième homme, Pinchus Krémègne. Les aspirations du trio se tournent vers Paris qui, en ce début de siècle, attire par son effervescence artistique de nombreux peintres. Paris, capitale des Arts. Krémène part pour la France le premier, suivit ensuite par Kikoine en 1912. Soutine arrive à Paris en juillet 1913. 

De son travail réalisé jusque là, ne reste aucune trace, il n'emporte rien. Krémène lui fait découvrir la Ruche du quartier du Montparnasse où se réunissent de nombreux artistes étrangers, qui portera plus tard le nom d'Ecole de Paris où Ecole juive. Soutine s'inscrit à l'école des Beaux-Arts puis à l'école nationale supérieure des Beaux-Arts et fréquente assidument le Louvre. Il partage un atelier avec ses camarades et travaille la nuit comme porteur à la gare Montparnasse pour survivre. 







Le petit pâtissier, vers 1922-1923, huile sur toile. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris





C'est à cette époque qu'apparaissent les douleurs à l'estomac qui allaient plus tard l'emporter. Soutine est sombre, dépressif, hanté par des souvenirs morbides, ne supportant plus la misère. Il tente même de se suicidé mais est sauvé in-extrémis par son ami Kikoine. La première guerre mondiale éclate le samedi 2 aout 1914. Soutine est enrolé comme terrasier et creuse les tranchées. Il est rapidement réformé en raison de son état de santé précaire. Ayant obtenu un permis de séjour en tant que réfugié, il s'installe à la Cité Falguière dans le XVème arrondissement de Paris où le sculpteur Jacques Lipchitz lui présente Amedeo Modigliani, de dix ans son aîné, lui aussi réformé pour tuberculose. 

L'amitié nait immédiatement. Soutine peint beaucoup et part seul à la recherche de paysages, cachant ses toiles quand quelqu'un apparaissait. Encore l'obsession du mystère et le culte de la solitude. En 1918, Modigliani le présente à son marchand Léopold Zborowski avant de partir soigner sa tuberculose dans le midi de la France. Soutine l'y rejoint sur la demande de son ainé. Il rentre à Paris en octobre 1919. Pierre Brune, l'un de ses anciens voisins de la Cité Falguière, lui écrit de Céret dans les Pyrénées orientales, et l'incite à le rejoindre.

Soutine ne se sent pas bien à Paris où il ressent de l'agressivité vis à vis des étrangers. Il part pour Céret. Kikoine le rejoindra quelques mois. c'est à Céret, le 24 janvier 1920 qu'il apprend la mort de Modigliani. C'est un choc. Se souvenant des soirées alcoolisées en compagnie de prostitués passées avec son ami, il décide de se reprendre en main , d'arrêter de boire et de manger sainement. Mais son ulcère à l'estomac se fait sentir régulièrement. Soutine se révèle solitaire, ombrageux et fréquente peu les artistes. Il peint énormément. En 1920, Zborowski vient chercher en 1920 près de 200 toiles.







Le petit pâtissier dans son cadre au Musée de l'orangerie









L'enfant de choeur, vers 1927-1928. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris









L'enfant de choeur dans son cadre au Musée de l'orangerie




C'est à cette époque que débarque à Paris le célèbre docteur Barnes, médecin, chimiste, inventeur et riche collectionneur d'art américain. Il vient acheter des oeuvres contemporaines pour sa fondation de Philadelphie. Le tout-Paris artistique est en émoi. Zborowski réusii à lui vendre soixante toiles de soutine peintes à Céret. C'est le début de la renommée pour Soutine. 

Paul Guillaume, dans sa revue Les Arts à Paris, décrit comment le Docteur Barnes, un des ses plus importants clients, découvre en 1923 la peinture de Soutine :

"Un jour que j'étais allé voir chez un peintre un tableau de Modigliani je remarquai dans un coin de l'atelier une oeuvre qui sur-le-champ m'enthousiasma. C'était un Soutine: et cela représentait un pâtissier – un pâtissier inouï, fascinant, réel, truculent, affligé d'une oreille immense et superbe, inattendue et juste : un chef d'oeuvre. Je l'achetai. Le Dr. Barnes le vit chez moi. – Mais c'est une pêche, s'écria-t-il ! Le plaisir spontané qu'il éprouva devant cette toile devait décider de la brusque fortune de Soutine."

Paul Guillaume n'échappe à cet intérêt, et achète à partir de cette date, un ensemble massif de tableaux du peintre. Avec 22 tableaux, la collection de Soutine du musée de l'Orangerie est la plus importante d'Europe. 







Portrait d'homme (Emile Lejeune), vers 1922-1923, huile sur toile. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris









L'homme aux rubans, 1921-1922, huile sur toile. Coll. Queensland Art Gallery




Soutine se rend un temps à Cagne où il peint des paysages aux couleurs lumineuses puis revient à Paris. C'est un insatisfait, il brule de nombreuses toiles dans des accès de désespoir. Grace à Barnes, le peintre connu du jour au lendemain, vit confortablement près du parc Monsouris. La, dans un atelier il conserve et peint des carcasses de boeufs et de poulets dont l'odeur putride effrait les voisins. Ces animaux éventrées issues des visions cauchemardesques de son enfance seront à l'origine de sa fameuse série des carcasses. 

En 1927, taciturne, colérique, il ne se rend pas au vernissage de sa première exposition, détestant ce genre de manifestation. Les tableaux du peintre sont maintenant dans de nombreuses collections prestigieuses. En 1929, il part pour Vence et y réalise sa série des arbres. 1929, la grande crise économique aux états-unis secoue aussi le monde de l'art. Les acheteurs américains se retirent. La crise gagne bientôt l'Europe. En 1932, Zborowski est ruiné en 1932 et mourra d'une crise cardiaque en 1943. En 1935, a lieu pour la première fois aux états-unis, à Chicago, une exposition d'une vingtaine de tableaux. en 1937 a lieu une exposition au Petit Palais à Paris. 






Le petit patissier, vers 1927









Le groom, 1925. Titre attribué: Le chasseur. Huile sur toile. Centre Pompidou. Paris








Le grand enfant de choeur, 1925, huile sur toile. Centre Pompidou, Paris




1939, la guerre éclate. Soutine, traqué en tant que juif vit dans la clandestinité. Il se réfugie à Champigny-sur-Veude près de Tours, faisant des alez-retour à Paris pour soigner son ulcère. En dehors des crises douloureuses, il peint encore quelques paysages. L'ulcère gagnant du terrain, il cesse de peindre fin juillet et doit être hospitalisé le 31 juillet. Avant de partir, il se rend dans son atelier et brule ses toiles. A l'hopital de Chinon une hémorragie interne est diagnostiquée, il est évacué dans une clinique parisienne du 16ième arrondissement pour y être opéré. Opéré le 7 aout, il meurt deux jours plus tard. Il est entéré au cimetière Montparnasse dans le caveau de la famille Aurenche. Rien ne sera gravé sur sa tombe avant la fin de la guerre.

Soutine, réfractaire aux mouvements artistiques modernes qui en grande partie ont émergé de Paris, comme le surréalisme, le cubisme, le futurisme, le dadaisme, a réalisé une oeuvre unique et personnelle guidée par ses démons intérieurs et inspirée par ses prédécesseurs comme Rembrandt, Courbet, Corot. Contrairement au principe de liberté du sujet qui est une avancée des temps modernes, Soutine n'a eu que trois sujets, les natures mortes, les paysages et les portraits. Son oeuvre, empreinte d'émotion, en fait le seul peintre expressionniste français de cette époque, courant présent surtout en Allemagne. Il laisse une oeuvre sombre et lumineuse, celle des visions de son enfance qui l'ont accompagnées toute sa vie.






Nature morte au faisan, 1924, huile sur toile. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris









La table, 1919, huile sur toile. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris








Le dindon, huile sur toile, vers 1925 , Musée de l'Orangerie, Paris








Bœuf et tête de veau, huile sur toile, vers 1923, Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris








Dindon et tomates, huile sur toile, vers 1923-1924 , Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris







La maison blanche, huile sur toile, vers 1918, Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris









Le village, 1923, huile sur toile. Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris







Paysage, huile sur toile, vers 1922-1923, Coll. Jean Walter et Paul Guillaume, Musée de l'Orangerie, Paris




Exposition Soutine, 



L'ordre du Chaos 



Musée de l'orangerie, Paris, 2012-2013. Commissaire Claire Bernardi.

















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